Le viaduc de MillauChamps-Élysées, actualité.
Le 14 décembre dernier [2004], Jacques Chirac a inauguré le viaduc autoroutier de Millau,* un formidable ouvrage d'art, Bernard Poirette, qui met désormais Perpignan – à la frontière espagnole – à sept heures trente seulement de Paris.
Oui, sept heures trente et quarante et un euros de péage. C'est imbattable si on compare au trajet par la vallée du Rhône ou encore par Limoges et Toulouse. Dorénavant, ce qu'on appelle « la méridienne autoroutière A 75 » est quasiment complète, de Clermont-Ferrand à Béziers. Si l'on veut chipoter, il reste dix-huit kilomètres sans autoroute dans le secteur de Pézenas. C'est une aberration d'aménagement du territoire qui sera rectifiée d'ici cinq ans. Pour le reste, la période est sans nuages : le terrible bouchon routier de Millau a sauté. Des dizaines de milliers de voitures s'agglutinaient dans la cuvette de la ville au cours des grandes migrations estivales. Désormais, elles vont enjamber la difficulté de la façon la plus extraordinaire qui soit : à deux cent soixante-dix mètres au-dessus du Tarn, sur un tablier goudronné de deux mille cinq cents mètres de long qui relie le Causse Rouge et le Causse du Larzac ; un paysage somptueux et un pont à haubans qui l'est tout autant.
C'est une création de Sir Norman Foster,* le célèbre architecte britannique qui a déjà réalisé, entre autres, le nouvel aéroport de Hong Kong et le fameux immeuble londonien de Swiss Re, en forme de pomme de pin. Une fois le projet retenu en 1996, le gouvernement de l'époque a choisi une solution très originale pour la réalisation. Une société privée, Eiffage, a obtenu le marché, à charge pour elle de se rembourser en percevant le prix du péage. Soit, pour une voiture : quatre euros quatre-vingt-dix en hiver et six euros cinquante en été ; et vingt-quatre euros toute l'année pour un camion. Vu les prévisions de trafic, la dépense de trois cent vingt millions d'euros devrait être couverte en vingt ans. Au-delà, la concession d'exploitation portera sur soixante années supplémentaires. Et encore plus loin, Eiffage s'engage à ce que le viaduc soit dans cent vingt ans dans le même état qu'aujourd'hui, c'est-à-dire neuf.
Ça semble être un pari un peu fou, mais les ingénieurs qui ont construit ce merveilleux pont à haubans de deux cent cinquante mille tonnes sont absolument sereins. Ils font remarquer que le viaduc de Garabit* a plus d'un siècle et pas une ride. Même chose pour la Tour Eiffel, soigneusement entretenue et aussi belle qu'au premier jour. Le viaduc de Millau devrait connaître le même sort, d'autant que pour le construire, on a utilisé les matériaux les meilleurs et les plus modernes.
De plus, le pont est sécurisé au maximum. Deux cents capteurs électroniques enregistrent en permanence la plus petite vibration et des panneaux métalliques de trois mètres cassent les rafales de vent de plus de cent à l'heure. La veille est tenue vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans un poste de commandement situé sur le plateau. Pour toutes ces raisons, c'est sûr, le viaduc de Millau ne pourra pas connaître le triste sort du pont de Québec ou du Tacoma Narrows de Seattle, démembrés par des éléments déchaînés.*
Autre performance de ce pont hors du commun : il n'a fallu que trente-neuf mois pour le construire. Il a été livré en avance et aucun ouvrier n'a été tué sur le chantier. Pour toutes ces raisons, mais avant tout parce qu'il est formidablement beau, des milliers de touristes ont visité le chantier. Cet